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Nouvelles fouilles à Ninive

Après les troubles politiques de ces dernières années, les fouilles de Ninive, capitale de Sennachérib, Asarhaddon et Ashurbanipal, ont repris. C’est le travail conjoint de différentes missions irakiennes, italiennes, allemandes et américaines qui ont répondu à l’appel de la Direction irakienne des antiquités, soucieuse de préserver ce site majeur. Ninive est une mégapole de 750 hectares, de la taille des 7ème, 6ème et 5ème arrondissements de Paris. Le site a souffert de plusieurs problèmes : la croissance urbaine de Mossoul a particulièrement affecté la ville basse, tandis que le manque d’entretien, les conflits récents et les pillages ont affecté les deux acropoles. En prenant possession de la région en 2014, Isis a détruit une partie des remparts de Ninive1, brisé les reliefs et fait sauter les mosquées de la ville2.

Fouilles à la porte Mashki de Ninive (d'après https://www.thenationalnews.com/arts-culture/2023/08/21/mosul-archaeology-project-uncovers-spectacular-assyrian-relics/)

Fouilles à la porte Mashki de Ninive (d’après https://www.thenationalnews.com/arts-culture/2023/08/21/mosul-archaeology-project-uncovers-spectacular-assyrian-relics/)

L’équipe irako-américaine s’est donc concentrée sur l’une des portes urbaines de Ninive, la porte Maški, l’équipe italienne sur la prospection et quelques fouilles et l’équipe allemande sur l’ekal mašarti (que l’on traduit un peu rapidement par “arsenal”) de Ninive.

Des études géophysiques ont permis d’identifier de nouvelles portes de la ville et d’approfondir notre connaissance de la topographie urbaine. Les portes d’Adad et Maški ont été déblayées, fouillées et reconstruites. Il est difficile d’imaginer que des fouilles ont été menées dans une zone remplie de gravats, qui ont dû être enlevés au prix d’efforts et d’une perte de temps considérables. La porte d’Adad a été reconstruite sous Saddam Hussein et détruite par Isis. L’équipe italienne l’a consolidée. De même, la porte de Maški a été détruite par Isis, ce qui a causé d’importants dommages à la reconstruction de la porte effectuée sous Saddam Hussein. Cette destruction a permis aux archéologues irakiens et américains de fouiller la porte plus en profondeur et de trouver des reliefs de Sennachérib cachés dans les fondations de la porte. Bien que des doutes subsistent quant à leur datation, il semble que les reliefs aient été retirés du palais SO de Sennachérib par son petit-fils Assurbanipal. Selon les archéologues, les reliefs sont remarquables par la qualité de leur conservation, mais ils présentent également des traces de dommages causés par des burins, dont l’un était également caché dans les fondations. Pourquoi frapper les reliefs si l’on voulait les cacher dans les fondations ? Il semble donc probable qu’il y ait eu un changement de plan : Assurbanipal voulait probablement réutiliser les reliefs de son grand-père, ce qui explique les burins, qui auraient pu modifier les reliefs. Mais pour une raison inconnue, il n’a pas pu mener à bien son projet et a dû cacher les reliefs dans les fondations.

Peter Miglus dans les tunnels de l'ekal masharti (d'après https://www.uni-muenster.de/ArchaeologischesMuseum/aktuelles/ninive.html)

Peter Miglus dans les tunnels de l’ekal mašarti (d’après https://www.uni-muenster.de/ArchaeologischesMuseum/aktuelles/ninive.html)

Les fouilles italiennes ont mis au jour une grande résidence avec une bibliothèque et une cinquantaine de tablettes. Selon les premières analyses, le contenu des tablettes est littéraire et elles datent de l’époque de l’avant-dernier roi assyrien, Sin-šar-iškun. Mais la découverte la plus importante est l’ekal mašarti, qui, identifié depuis longtemps, ne pouvait pas être fouillé à cause de la mosquée et la présumée tombe du prophète Jonas3. L’arsenal devait contenir une grande partie du butin de guerre, qui a été en partie protégée car caché sous la mosquée. La surprise pour l’équipe allemande – et pour tous les archéologues – a été la découverte d’une longue série de tunnels creusés à travers tout le site pour accéder aux trésors du palais. Comme nous le savons, Isis gagnait de l’argent en vendant le patrimoine culturel irakien. Les collègues allemands (Peter Miglus et Stefan Maul) ont donc été chargés de documenter tous ces tunnels et les destructions que le palais a subies. Grâce à un financement de la fondation Fritz-Thyssen pour la photogrammétrie GPS, l’équipe allemande a pu représenter les tunnels en 3D. Parmi les découvertes, on peut citer la plate-forme qui soutenait le trône, grande de 5 m x 5m, des inscriptions assyriennes, dont une de 672 av. J.-C. du roi Assarhaddon, des lamassu, et des nombreuses reliefs particulièrement intéressants. On pourrait dire que même la destruction laisse toujours des traces du passé qu’elle était censée détruire, et heureusement !

 

 

  1. 12 à 15 km de long et percés de 15 à 18 portes urbaines. Selon la Bible (Jonas 3), il a fallu trois jours pour traverser toute la ville. []
  2. dont celle du prophète Jonas, sous laquelle se trouve l’ekal mašarti, voir ci-dessous []
  3. vénéré aussi bien par les juifs que par les chrétiens et les musulmans []

Laura Battini

Chargée de Recherche au CNRS (UMR 7192 – PROCLAC, Paris), spécialiste d’architecture et d’iconologie syro-mésopotamienne

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Laura Battini (12 janvier 2025). Nouvelles fouilles à Ninive. Sociétés humaines du Proche-Orient ancien. Consulté le 7 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/132dd


Laura Battini

Chargée de Recherche au CNRS (UMR 7192 – PROCLAC, Paris), spécialiste d’architecture et d’iconologie syro-mésopotamienne

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